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Coup dur pour Volkswagen en Corée du Sud

Après les révélations sur les fraudes, le groupe allemand est confronté en Corée du Sud à une crise qu’il n’a pas su gérer. Aujourd’hui son avenir sur le marché coréen semble compromis à moins d’une réponse adaptée pour rétablir la confiance avec les autorités et ses clients. Le cas Volkswagen est  emblématique du manque d’intelligence culturelle des groupes globalisés lorsqu’il aborde une crise sur des marchés locaux.

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© Yonhap News

Si le « Dieselgate » a agité essentiellement le marché automobile américain, la Corée du Sud n’a pas été épargnée par les pratiques trompeuses du groupe Volkswagen Audi. Fin septembre 2015, les autorités coréennes commencent à s’intéresser à quatre modèles qui font partie des modèles rappelés sur le marché américain. Les résultats ne sont pas encore connus mais les clients commencent à se regrouper pour mener une action collective contre le groupe allemand. Une première plainte est déposée réclamant le remboursement intégral de l’achat d’un véhicule. Le ciel commence à s’assombrir pour la filiale locale. Volkswagen tente de faire amende honorable et essaye de calmer les choses. Mais faisant fi de ces premiers signaux d’alerte, en octobre, tout en s’excusant auprès de ses clients et en garantissant la fiabilité des modèles en circulation, il apparait que le groupe a continué à falsifier jusqu’en décembre 2015 les données des tests sur la Passat. C’est le coup de grâce pour le groupe accusé maintenant d’un abus de confiance généralisé.

Les conséquences seront surement fatales au développement de Volkswagen dans la péninsule. La réponse des autorités s’est faite intraitable. Le message est clair : il est fini le temps où les compagnies étrangères pouvaient croire en une certaine impunité en Corée du Sud. Par exemple lorsque Carrefour a décidé de se retirer du marché, le groupe français a été soupçonné d’évasion fiscale et sous les feux médiatiques, a du subir une perquisition menée par 50 inspecteurs du fisc. Le risque pour les autorités est de se faire accuser de laxisme lorsque ce sont des entreprises étrangères qui sont impliquées. En ligne de mire Ikea et son modèle de commode retiré aux Etats-Unis mais pas en Corée mais surtout le scandale Reckitt Benckiser dont les humidificateurs se sont avérés toxiques.

Une réponse des autorités exemplaire

Pour Volkswagen, la réponse de l’administration fut donc rapide et lourde de conséquences. Début août la sanction est tombée. Le ministère de l’environnement a décidé de suspendre la vente de 32 modèles et leurs 80 variantes, de révoquer la certification de 83 000 véhicules et de soumettre le groupe allemand à une amende de 16,07 millions de USD pour les essais fraudés. Au début le groupe était sous la menace d’une amende de 61,6 millions de USD mais celle-ci a été au final plafonnée à 902 935 USD par type de véhicule auquel s’ajoute 3% des ventes du modèle réalisées. Le groupe a d’ailleurs suspendu ses ventes fin juillet pour limiter le montant de l’amende. Ces dernières mesures viennent compléter celles de novembre 2015 qui avaient vu l’annulation de la certification de 126 000 véhicules diesel. Au final c’est 209 000 véhicules au total qui ont perdus leur certification, soit 68% des ventes réalisées depuis 2007 par le constructeur, année de son arrivée sur le marché coréen.

Sur le plan marketing, lors de la médiatisation du scandale, Volkswagen a contre-attaqué en proposant une offre commerciale attractive sur la Tiguan qui a permis de limiter les dégâts. Sur un an les ventes sont en recul ; Audi arrive à se maintenir, tandis que le nombre de voiture vendu par Volkswagen recule de 25%. Mais aujourd’hui la situation est catastrophique pour le constructeur germanique. Seules 425 Volkswagen ont été vendues en juillet 2016, 85,8% de moins par rapport à juillet 2015, Audi dévisse de 42,5%.

Alors que le groupe Volkswagen Audi était le troisième importateur de voiture derrière Mercedez-Benz et BMW, il sera difficile de revenir au niveau des ventes d’avant la crise. De plus la défiance des consommateurs aura surement un impact sur les ventes des autres marques allemandes, au profit de Ford.

Accusé d’abus de confiance
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Conférence de presse de la Fédération des associations environnementales le 25 octobre 2015 à Séoul (© Kim Tae-hyeong).

Le défit pour Volkswagen est maintenant de se maintenir sur le marché. Un premier plan d’aide est en cours de mise en place pour soutenir financièrement ses concessionnaires. Mais c’est surtout la stratégie de communication qui va être la clef du futur du groupe en Corée du Sud. Un élément essentiel de la culture coréenne va être maintenant au cœur de la stratégie de la marque : la confiance. Confiance à reconstruire auprès des consommateurs et des autorités. Un défit énorme attend donc les équipes marketing. Le manque de confiance à la fois de la part des consommateurs mais aussi des autorités peut sonner le glas à tout espoir de revenir sur le marché. L’embargo sur les produits halieutiques japonais depuis la catastrophe de Fukushima en est un exemple typique. Des vendeurs dans les department stores avec des compteurs Geiger en main pour prouver la qualité des produits n’auront pas suffi à convaincre le consommateur coréen.

La confiance est un élément majeur de la relation commerciale en Corée. Si les consommateurs sont assez dociles dans leur comportement d’achat, le jour où cette confiance est trahie, il est difficile de les capter à nouveau. De même le fait de refuser d’assumer ses responsabilités et de ne pas faire amende honorable souligne bien le manque d’intelligence culturelle des dirigeants de Volkswagen. Ils n’ont pas su s’adapter aux spécificités du marché coréen où en cas de crise le dirigeant monte au créneau pour assumer ses responsabilités, quitte à se mettre à genou lors d’une conférence de presse pour s’excuser du mal fait au pays.

En Corée du Sud, IKEA défend plus ses valeurs que ses produits

Après l’ouverture chaotique de son premier magasin en décembre 2014, IKEA en intégrant les codes culturels coréens défend ses valeurs dans son dernier spot publicitaire.

ikeaIkea était attendu depuis des années quand la société ouvre son premier magasin en Corée du Sud. Le succès est immédiat mais se double de problèmes que n’avait pas envisagés le groupe suédois :

  • une ruée en masse de curieux dès le premier jour avec cinq heures d’attente afin de pouvoir se garer,
  • des capacités de parking insuffisantes qui exaspèrent les riverains et les autorités locales. Le magasin a accueilli un million de visiteurs le mois de son ouverture,
  • un lieu de restauration envahi par des familles qui n’hésitent pas à y passer la journée. Le lieu se transforme très vite en une immense cafeteria populaire,
  • un SAV dépassé par le nombre de plaintes et de retours. La Corée est une société de service et c’est aller contre les habitudes de demander aux clients de monter leurs meubles.
  • des critiques parfois violentes contre le groupe : des prix jugés élevés par rapport aux autres pays, un poster décoratif où la mer bordant la Corée porte le nom de « Mer du Japon »  (le groupe s’est excusé au cours d’une conférence de presse).

Après ce départ chaotique, IKEA a réussi à corriger le tir et à assoir sa notoriété. Mais surtout la force du groupe est d’avoir appris de ses erreurs. Son dernier spot publicitaire sorti fin mars en est la preuve tangible. Diffusé aussi bien au cinéma qu’à la télévision, il ne met pas en avant les produits mais un mode de vie et les valeurs défendus par le groupe. Sa particularité est de toucher un mal profond de la société coréenne: l’absence des parents à la maison.

La campagne :

Le choix de faire appel à Jang Jin pour la réalisation de cette publicité est en soi une petite révolution et il a su marqué le spot de son empreinte. Si Jang Jin est peu connu en France, il est en Corée du Sud un réalisateur, producteur et auteur avec un style bien à lui. Touche à tout, il travaille aussi bien pour le cinéma que pour le théâtre. Il fut juge dans Korea’s Got Talent diffusé entre 2011 et 2012 ce qui lui assure un succès d’estime auprès des foyers coréens. Mais il s’est surtout fait connaitre auprès du grand public avec Welcome To Dongmakgol en 2005 qu’il a écrit et produit.

La publicité se veut un brandrama; un mot valise associant brand et drama qui sont les séries TV. On y voit la vie d’un jeune écolier coréen dont les parents sont absents du foyer pris par leurs activités professionnelles. La journée démarre au petit matin et s’enchaine sans discontinuité : école, cours de musique, cours privés (ces bus jaunes qui sillonnent Séoul pour transporter les enfants sont devenus un phénomène de société) pour finir tard le soir, seul à la maison. Sauf un soir quand il rentre à la maison, son père et sa mère sont là pour l’accueillir et diner avec lui. Le message est clair : « La maison est là où commence le bonheur ». La volonté du groupe est de défendre ses valeurs et d’encourager les parents à passer plus de temps avec leur famille.

IKEA a visé juste. Selon la dernière étude que le groupe a publiée en septembre dernier, 73% des parents sud-coréens souhaitent passer plus de temps avec leur famille. Pourtant les adolescents entre 13 et 18 ans ne passent qu’1,5 heures dans la semaine avec leurs parents alors que la moyenne pour les 12 pays étudiés est de 3,8 heures. Et ce temps passé n’est que de 5,1 heures le week-end tandis que la moyenne des 12 pays est de 7,2 heures.

C’est une première au pays du matin calme de voir un réalisateur de renom se tenter au format publicitaire. Habituellement les publicités sont tapageuses délivrant des messages directes sans équivoque. Afin de capter l’attention, Jang Jin a fait le choix de faire jouer l’enfant par un adulte. Ce décalage est réussi car l’identification avec ce que vit l’enfant est immédiate et le message passe d’autant plus.

IKEA montre ainsi sa capacité d’adaptation sur un marché très spécifique où certains groupes internationaux se sont cassés les dents. On peut par exemple citer Carrefour et Tesco qui ont préféré se retirer après des années d’efforts sans arriver à trouver un modèle fiable économiquement.

 

Le format 1 minute :

Le making-of :

Ikea frôle le fiasco

L’ouverture d’un Ikea dans la banlieue de Séoul a failli virer au cauchemar pour l’enseigne bleu et jaune. Pourtant le succès est tel que tout le secteur de l’ameublement s’en retrouve fragilisé.

Une sikeapécificité du marché coréen est l’absence de grandes enseignes liées à l’ameublement. Souvent la première difficulté lorsqu’un expatrié s’installe en Corée du Sud est d’équiper son appartement nouvellement loué du mobilier nécessaire. Il suffit de parcourir les forums de petites annonces pour les expats afin de comprendre dans quelle galère se retrouve le nouvel arrivant. Coût et qualité médiocre lui font regretter déjà l’absence d’Ikea bien qu’il existe une offre low cost mais uniquement on-line.

Ikea est couvert de toute les vertus par les expatriés mais aussi par les Coréens. Dans l’imaginaire du pays les hivers froids de Scandinavie ont poussé les habitants à développer leur intérieur plus que de raison ; les Suédois devenant ainsi la référence absolue en matière de design d’intérieur. Les voyages à l’étranger permettent à quelques rares privilégiés d’admirer l’abondance de mobiliers, d’objets design dans les intérieurs des pays accueillant les entrepôts Ikea. Si la notoriété reste confidentielle, l’ouverture à Brooklyn en 2008 d’un magasin change la donne. Le New Jersey et New York abritent une forte communauté coréenne qui se dépêche de venir s’équiper et ramener certaines de leurs découvertes sur le territoire national.

Alors que la Chine accueille son premier magasin en 1998 et le Japon en 2006, les Coréens pour satisfaire leur ikeamanie doivent se contenter de ventes en ligne ou de petits magasins qui importent quelques références. La frustration est presque insupportable. Ainsi l’annonce début 2013 de l’ouverture d’un futur magasin reçoit de suite un retour positif dans la population. Ikea ne laisse pas passer cette aubaine et décide d’implanter dans la banlieue sud de Séoul son plus grand magasin au monde, 59 000 m2 ! Ce seul argument suffit déjà à attiser un fort désir de consommation des Coréens.

Avant l’ouverture, le premier catalogue publié en ligne est épluché avec attention. Mauvaises surprises pour le consommateur, les prix indiqués sont bien plus élevés que ceux pratiqués dans les autres pays. Les réactions sur le net sont acerbes amenant le gouvernement à enquêter sur la politique tarifaire. Mais le premier vrai faux pas du géant mondial est de proposer dans son catalogue un poster décoratif où la mer bordant la Corée porte le nom de « Mer du Japon ». Le pays se bat au niveau international pour l’abandon de cette appellation au profit de « Mer de l’Est ». C’est une tollé alors que la campagne publicitaire débute afin d’annoncer l’ouverture. Pourtant le magasin n’a pas le droit à l’erreur en prenant le pari d’ouvrir s’en s’associer à un partenaire local. Les échecs de Wal-Mart et Carrefour qui l’avaient joué cavalier solitaire sont à mettre en perspective avec le succès de Tesco associé à Samsung lors de son lancement en Corée du Sud. Ikea fait profil bas et s’excuse au cours d’une conférence de presse :

 

Spot publicitaire annonçant l’ouverture du magasin :

 

Quoiqu’il en soit, l’attente est là et le 18 décembre dernier les Séoulites se ruent en masse vers le magasin. On compte 5 heures d’attente pour pouvoir entrer dans la caverne d’alibaba du design scandinave et des meubles en kit au nom imprononçable. Le magasin ainsi toute au long de sa première journée accueillera 48 000 visiteurs.

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(© Korea Times)

Le succès est au rendez vous mais malheureusement tourne rapidement au cauchemar. Ikea n’a pas intégré dans son offre la notion de service tel que le conçoivent les Coréens. Passer à une culture du service gratuit et du pratique au tout faire soi-même ne se passe pas sans douleur. La direction d’Ikea en fait les frais : les plaintes des clients s’accumulent.

Le restaurant lui aussi est victime de son succès ; le « food court » s’est très vite transformé en un restaurant populaire démesuré.

Les retours négatifs n’empêchent pas le flot continu de visiteurs. Les riverains craquent. La capacité du parking insuffisante (1000 places) avec cinq heures de stationnement gratuites, les embouteillages interminables le week-end aux abords du magasin ont raison de la patience des habitants. Au 4 janvier le magasin a accueilli 577 000 visiteurs et 154 000 véhicules. Un enfer pour le voisinage. La municipalité de Gwangmyeong où s’est implanté le magasin tape du poing sur la table et menace Ikea de suspendre l’exploitation le 15 janvier prochain si aucune solution n’est trouvée. La cerise sur le gâteau : des fissures apparaissent sur le sol du parking, se posent alors des questions sur la sécurité du bâtiment.

(© JoongAng Ilbo)
(© JoongAng Ilbo)

Très vite le magasin décide de faire payer le stationnement si aucun achat n’est effectué dans le magasin et que la durée du stationnement dépasse trois heures. Les employés sont priés d’aller se garer ailleurs libérant ainsi 650 places tandis que 300 places de parking temporaires sont louées à un magasin à proximité. Avec à terme la création de 1500 places supplémentaires, la capacité de stationnement passera ainsi à 3 500 places. Une autre solution défendue par la ville mais peu goûtée côté Ikea est de requalifier le magasin afin de le faire passer du statut de fournisseurs de meubles à celui de grands magasins ; dans ce dernier cas cela implique une fermeture de deux dimanches par mois. Solution défendue par le secteur de l’ameublement qui se retrouve en péril devant la folie que suscite Ikea chez les Coréens.

Le magasin annonce le 21 janvier, un mois après son ouverture, avoir reçu un million de visiteurs. Ce qui aurait pu tourner à la catastrophe avec un « bad buzz » et montrer ainsi une véritable méconnaissance de la spécificité du marché sur lequel Ikea veut s’implanter, l’ouverture devient une « success story » et confirme l’aura de la marque sur le marché. L’équipe de direction peut enfin souffler. Pourtant la presse ne fait pas redescendre la pression avec tous les jours des articles à charge ; un soutien à peine caché à une proposition de loi contraignante pour le Suédois, « IKEA Regulation Bill » dans le but de protéger les petits commerces.

Quatre autres magasins sont prévus d’ici 2020 ; les terrains ont déjà été achetés fin 2013 et début 2014 pour deux d’entre eux.

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Un million de visiteurs en un mois !