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Réussir une réunion au Japon

Vous êtes en poste depuis un mois. Cette semaine, votre première réunion avec l’équipe japonaise est programmée. Vous devez faire un point d’étape et en traiter d’autres qui nécessitent une action dans la semaine. Une chance pour vous, votre collègue en poste à Yokohama depuis vingt ans vous donne quelques conseils qui compléteront votre connaissance de la culture japonaise.

L’ordre du jour

L’ordre du jour est préparé finement et communiqué à tous les participants dans un délai raisonnable pour qu’ils puissent réagir ; dans tous les cas ni le jour même, ni la veille. L’ordre du jour sera strictement respecté ; les imprévus, pour ne pas dire les surprises, sont peu appréciés.

Nemawashi (根回し)

Litténemawashiralement, c’est l’action de libérer les racines d’une plante avant de la rempoter, par extension Nemawashi qualifie la discussion qui se déroule derrière un rideau, dans les coulisses à l’abri des regards. C’est un élément essentiel de la culture de groupe au Japon et surtout en entreprise. On ne vient pas en réunion avec un sujet qui demande une décision ferme ; vos interlocuteurs apprécieront peu le procédé, se sentant d’une certaine façon pris en otage. De même exprimer une opinion tranchée ou une critique lors de la réunion mettra mal à l’aise vos interlocuteurs. Sans aller jusqu’à leur faire perdre la face, vous perdrez en respectabilité et ils prendront une certaine distance avec vous.

Les décisions se prennent avant la réunion, cette dernière ne servant qu’à officialiser lesdites décisions. Lors de discussions préliminaires, en tête à tête ou en petit groupe, le projet est présenté, les objections traitées et résolues, les contre-propositions intégrées pour au final s’assurer de l’accord de chacun des participants avant la réunion. Ces consultations préliminaires se font très souvent de façon informelle lors d’un échange téléphonique opportun, d’une rencontre dans l’ascenseur ou d’un déplacement en taxi. Le feu vert gagné avec l’un vous servira dans l’argumentaire pour en convaincre un autre. Il est ainsi très important de sélectionner avec minutie les personne avec qui vous échangez dans un premier temps.

Le jour de la réunion, le projet rencontre un consensus partagé et la décision n’est qu’une formalité.

Si le consensus n’est pas acquis, le sujet ne sera pas traité en réunion et remis à plus tard. L’absence d’un sujet dans un ordre du jour est révélateur; le projet est voué à l’oubli. Mais si des nouvelles opportunités se présentent, le processus de consultation reprendra. Attention sans évolution notable de la situation, il faut écarter l’idée de remettre ce sujet à l’ordre du jour d’une future réunion.

Prise de parole

Ne coupez jamais la parole de vos interlocuteurs lorsqu’ils s’expriment. Laissez les terminer avant de réagir. C’est souvent un des points les plus difficiles à respecter pour un manager français. La culture française valorise des échanges à bâtons rompus. Les interviews des journalistes politiques français TV et radio sont révélatrices de cette culture. Les journalistes coupant fréquemment leurs invités et les pressant de questions, l’invité éprouve souvent des difficultés à construire un discours cohérent et compréhensible. En tant que Français, il faut donc se restreindre à ne pas interrompre vos interlocuteurs et à attendre patiemment la fin de l’intervention avant de réagir.

De même lorsque vous posez une question, votre interlocuteur prendra un petit laps de temps avant de vous répondre. Ce qui est, là aussi, déroutant où dans notre culture nous avons l’habitude de répondre du tac au tac. Il est donc inutile de le presser de questions du fait qu’il tarde à répondre.

A contrario de la France où le silence met mal à l’aise, au Japon le silence est valorisé plus que la prise de parole.

Les Occidentaux ont pour réputation d’être peu fiable et de ne pas respecter leur parole. Bannissez le conditionnel de votre rhétorique et surtout respectez vos engagements.

Deux erreurs grossières

La première erreur que font les cadres fraîchement arrivés dans l’archipel lorsqu’ils participent à des réunions est de passer outre le Nemawashi en arrivant en réunion avec des problèmes à traiter et demandant des décisions immédiates sous couvert d’efficacité ou par manque de temps. La seconde erreur est de couper systématiquement la parole des participants lors des échanges; c’est à la fois très impoli et interdit à vos interlocuteurs de développer leur discours, discours qui a été mûrement réfléchi.

Bien sur, ces quelques conseils, s’ils vous seront utiles, ne vous affranchiront pas des gestes élémentaires de politesse comme par exemple arriver à l’heure si ce n’est en avance.

Etude de cas (jeu de rôle) : négocier avec des Japonais

Une négociation typique entre équipe japonaise et française. Jeu de rôle prévu pour 8 à 12 personnes : 6 négociateurs (3 côté Japon, 3 côté France) et les autres participants en tant qu’observateur.

Etude de cas : négocier avec des Japonais

Après avoir fait une étude de marché approfondie du marché japonais, Alexandre Roche, directeur international de Yopfoods, décide de se rapprocher des grands fabricants japonais de l’industrie agro-alimentaire présents sur le marché intérieur afin de savoir s’ils sont intéressés de travailler avec Yopfoods. Il apparait que Matsugae, un des cinq plus grands fabricants au Japon, est intéressé de développer des relations sur le long terme avec Yopfoods.

En mars 2013, des discussions entre Alexandre Roche et Jiro Ishikawa, directeur international de Matsugae, débouche sur un accord. Le protocole d’accord entre les deux directeurs définit un contrat d’importation exclusif de 10 ans et un droit de licence pour la fabrication en local d’un des produits de Yopfoods par Matsugae. L’accord est signé en septembre 2013 et les premiers produits sont livrés à Matsugae en novembre 2013. En janvier 2015, Matsugae commence à produire en local avec un marketing qui lui est propre du YopMilk, un dessert lacté dans un emballage plastique. Cependant, en parallèle, Matsugae continue à importer du YopMilk dans un emballage en aluminium dont la distribution se fait par le même réseau.

Quelle qu’en soit la raison fin 2015, les ventes de la production locale est bien en-dessous du niveau prévu à la signature de l’accord. Mais l’accord prévoyait le paiement d’un minimum de royalties par le fabricant local quel que le soit le niveau des ventes.

Février 2016, le chèque de Matsugae se fait attendre et Jiro Ishikawa ne répond plus aux e-mails. Mars 2016, Alexandre Roche fait parvenir un courrier à Matsugae dans lequel il indique que si le montant des royalties à payer est calculé sur le volume de vente, il a été tout de même convenu que Matsugae devait payer un montant minimum de royalties à Yopfoods.

Matsugae a répondu par courrier qu’une partie de l’accord, celle concernant un paiement minimum de royalties, était « injuste ». En effet Matsugae argumente qu’on peut considérer qu’il y aura production locale le jour où celle-ci sera implantée dans le réseau de distribution et se vendra mieux que le produit importé. Mais aujourd’hui YopMilk importé se vend mieux que la production locale ; 4/5ième des produits vendus sont des produits importés. On peut donc considérer que la production locale n’a même pas débuté et que ce minimum de royalties à payer n’a pas lieu d’être.

Rendez vous est pris le 13 juillet 2016 entre les équipes françaises et japonaises pour parvenir à un accord.