Archives mensuelles : avril 2016

En Corée du Sud, IKEA défend plus ses valeurs que ses produits

Après l’ouverture chaotique de son premier magasin en décembre 2014, IKEA en intégrant les codes culturels coréens défend ses valeurs dans son dernier spot publicitaire.

ikeaIkea était attendu depuis des années quand la société ouvre son premier magasin en Corée du Sud. Le succès est immédiat mais se double de problèmes que n’avait pas envisagés le groupe suédois :

  • une ruée en masse de curieux dès le premier jour avec cinq heures d’attente afin de pouvoir se garer,
  • des capacités de parking insuffisantes qui exaspèrent les riverains et les autorités locales. Le magasin a accueilli un million de visiteurs le mois de son ouverture,
  • un lieu de restauration envahi par des familles qui n’hésitent pas à y passer la journée. Le lieu se transforme très vite en une immense cafeteria populaire,
  • un SAV dépassé par le nombre de plaintes et de retours. La Corée est une société de service et c’est aller contre les habitudes de demander aux clients de monter leurs meubles.
  • des critiques parfois violentes contre le groupe : des prix jugés élevés par rapport aux autres pays, un poster décoratif où la mer bordant la Corée porte le nom de « Mer du Japon »  (le groupe s’est excusé au cours d’une conférence de presse).

Après ce départ chaotique, IKEA a réussi à corriger le tir et à assoir sa notoriété. Mais surtout la force du groupe est d’avoir appris de ses erreurs. Son dernier spot publicitaire sorti fin mars en est la preuve tangible. Diffusé aussi bien au cinéma qu’à la télévision, il ne met pas en avant les produits mais un mode de vie et les valeurs défendus par le groupe. Sa particularité est de toucher un mal profond de la société coréenne: l’absence des parents à la maison.

La campagne :

Le choix de faire appel à Jang Jin pour la réalisation de cette publicité est en soi une petite révolution et il a su marqué le spot de son empreinte. Si Jang Jin est peu connu en France, il est en Corée du Sud un réalisateur, producteur et auteur avec un style bien à lui. Touche à tout, il travaille aussi bien pour le cinéma que pour le théâtre. Il fut juge dans Korea’s Got Talent diffusé entre 2011 et 2012 ce qui lui assure un succès d’estime auprès des foyers coréens. Mais il s’est surtout fait connaitre auprès du grand public avec Welcome To Dongmakgol en 2005 qu’il a écrit et produit.

La publicité se veut un brandrama; un mot valise associant brand et drama qui sont les séries TV. On y voit la vie d’un jeune écolier coréen dont les parents sont absents du foyer pris par leurs activités professionnelles. La journée démarre au petit matin et s’enchaine sans discontinuité : école, cours de musique, cours privés (ces bus jaunes qui sillonnent Séoul pour transporter les enfants sont devenus un phénomène de société) pour finir tard le soir, seul à la maison. Sauf un soir quand il rentre à la maison, son père et sa mère sont là pour l’accueillir et diner avec lui. Le message est clair : « La maison est là où commence le bonheur ». La volonté du groupe est de défendre ses valeurs et d’encourager les parents à passer plus de temps avec leur famille.

IKEA a visé juste. Selon la dernière étude que le groupe a publiée en septembre dernier, 73% des parents sud-coréens souhaitent passer plus de temps avec leur famille. Pourtant les adolescents entre 13 et 18 ans ne passent qu’1,5 heures dans la semaine avec leurs parents alors que la moyenne pour les 12 pays étudiés est de 3,8 heures. Et ce temps passé n’est que de 5,1 heures le week-end tandis que la moyenne des 12 pays est de 7,2 heures.

C’est une première au pays du matin calme de voir un réalisateur de renom se tenter au format publicitaire. Habituellement les publicités sont tapageuses délivrant des messages directes sans équivoque. Afin de capter l’attention, Jang Jin a fait le choix de faire jouer l’enfant par un adulte. Ce décalage est réussi car l’identification avec ce que vit l’enfant est immédiate et le message passe d’autant plus.

IKEA montre ainsi sa capacité d’adaptation sur un marché très spécifique où certains groupes internationaux se sont cassés les dents. On peut par exemple citer Carrefour et Tesco qui ont préféré se retirer après des années d’efforts sans arriver à trouver un modèle fiable économiquement.

 

Le format 1 minute :

Le making-of :

Samsung et LG révolutionnent leur approche du management

Les deux chaebols emblématiques de la réussite coréenne, face à la crise qu’ils traversent, remettent en question leurs modèles managériaux.

L’économie coréenne est dépendante de ces chaebols, mastodonte capitalistique d’origine familiale. En 2013 le chiffre d’affaires des cinq premiers chaebols représente 9,71% du PIB national. Samsung et ses 19 filiales avec un chiffre d’affaires de plus de 68 milliards de wons représente à lui seul 4,73% du PIB, LG avec 14 filiales 1,34%. Pourtant les deux groupes de renommer mondial n’échappent pas à la crise économique larvée qui malmène la Corée. Samsung avec un résultat en recul de 19% en 2015 est un des premiers touchés. De plus alors que le dirigeant, Lee Kun-hee est maintenu en coma artificiel depuis maintenant bientôt deux ans[1]Il est maintenu dans un coma artificiel depuis le 11 mai 2014., le fils héritier, Lee Jae-yong, est empêtré dans des manœuvrés pour restructurer le groupe afin d’en assurer le contrôle.

Face à ces nouveaux défis, Samsung et LG ont annoncé à une semaine d’intervalle leur volonté de réformer leur structure et leur modèle de management afin de mettre en place des organisations en place plus agiles et donc plus réactives pour répondre à un environnement changeant et fortement concurentiel.

Kim Hyun-seok de la division TV
Kim Hyun-seok de la division TV (© Samsung Electronics)

Samsung après avoir remanié son management en 2015, a décidé de dégraisser sa pyramide hiérarchique et d’en limiter les niveaux. Samsung Electronics est le fer de lance de cette nouvelle approche. Dans le but de favoriser une culture de l’innovation et un esprit « star-up », il n’existe plus que 5 niveaux hiérarchiques sous le PDG :

  • sawon (les jeunes diplômés),
  • daeri (assistant manager. 4 ans d’expériences),
  • gwajang (manager. 5 à 7 ans d’expériences),
  • chajang (adjoint du directeur d’une business unit),
  • et bujang (directeur d’une business unit. 10 ans ou plus d’expériences).

L’annonce a été faite par le management le mois dernier devant un parterre de 600 employés dans le centre de recherche R4 à Suwon. Le but est de mettre fin à une logique « top-down » et de favoriser une culture de l’efficience en accompagnant les salariés pour y arriver. Il en découle une politique RH basée plus sur les missions que sur les titres, un abandon des rapports obligatoires et parfois fantaisistes, l’arrêt des réunions inutiles et la mise en place d’une boite à idée à l’échelle du groupe via le portail MOSAIC. Afin de montrer l’implication des directeurs de division dans ce tournant managérial, les managers se sont pliés au jeu de l’empreinte. Il en est de même pour Lee Jae-yong, l’héritier du groupe et vice chairman de Samsung Eletronics, qui fait la promotion d’un style de management plus décontracté. Le premier geste fort à destination des employés est la revente de la flotte de jets privés, le management est maintenant prié de voyager sur les lignes commerciales.

Kwon Young-soo
Kwon Young-soo, PDG de LG U+ (© LG U+)

De son côté LG U+ (anciennement LG Telecom) s’est lancé fin mars 2016 dans une opération de communication auprès de ses 700 directeurs de point de vente. Lors d’un grand rassemblement dans la banlieue de Séoul, le premier depuis 2010, Kwon Young-soo a présenté à ses 700 directeurs et au management une nouvelle approche managériale afin de mettre fin à une structure corporate trop rigide et favoriser la communication dans le groupe. Appelée « low-key approach », cette nouvelle approche doit favoriser une culture basée sur deux modes de communication dont la capacité d’écoute qui doit prendre le pas sur celle de lire : savoir écouter plutôt que discourir. Cette rencontre qui mélangeait à la fois benchmark interne et encouragement avait entre pour but de mobiliser les troupes autour de cette nouvelle approche.

Afin de remercier ses équipes pour les efforts fournis alors que le marché est de plus en plus concurrentiel, le PDG Kwon Young-soo s’est plié à une séance de relassage de chaussures. Cette séance qui pourrait prêter à sourire n’est pas anodine car Kwon Young-soo est un pur produit LG. Il a remplacé l’ancien PDG de LG U+, Lee Sang-chul qui est destiné à prendre la tête du groupe. Kwon Young-soo a déjà réussi à hisser au top de leur secteur deux filiales : LG Display et LG Chem. Aujourd’hui le défit à relever est d’attaquer frontalement, en diversifiant l’offre, les deux leaders du secteur, KT et SK Telecom.

Notes

Notes
1 Il est maintenu dans un coma artificiel depuis le 11 mai 2014.