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Décryptage de la publicité du Samsung Chief Collection Family Hub 2017

Courant mars, Samsung Electronics a lancé sur le marché coréen un réfrigérateur connecté haut de gamme. Avec un prix de 10 millions de wons (8 820 USD), plus proche de celui d’une voiture que d’un réfrigérateur, la marque a peaufiné sa communication pour essayer de transformer l’intérêt des consommateurs en vente ferme.

Une opération marketing de 10 jours au cours du mois de mai a proposé aux internautes de tester en ligne les différentes fonctionnalités du réfrigérateur. Deux millions de participations confirment l’appétence du marché intérieur pour ce type de produit mais le positionnement haut de gamme est un frein majeur à l’achat. Si les différents spots publicitaires sont ciblés, le message reste le même : le Chief Collection Family Hub est un créateur de lien social dans une société coréenne moderne où la famille est en pleine mutation.

Dans le spot ci-dessous un couple rend visite aux beaux-parents. Tandis que la fille, l’épouse et la grand-mère sortent à l’extérieur, le gendre reste à la maison avec son beau-père.

Samsung Electronics propose une publicité où aucun détail n’est laissé de côté. Les codes utilisés jouent sur le fossé entre nouvelle et ancienne génération et demande un décryptage pour mieux comprendre le message.

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Première image du spot qui résume l’histoire. On voit le beau-père et le gendre qui formeront enfin une vraie famille à la fin de l’histoire par l’intermédiation réussie du réfrigérateur.

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Le gendre et le beau-père ne communiquent pas. Le fossé des générations est tangible. Assis en tailleur comme dans une maison traditionnelle coréenne, le beau-père consomme du thé, boisson traditionnelle ; la théière est posée sur la table derrière lui. Assis sur un canapé, le mari boit un café. Cette boisson a conquis en une dizaine d’années les Coréens, détrônant thé et orge grillé. De même la tendance n’est plus de vivre au sol. S’oppose modernité et tradition.

En arrière plan, la bibliothèque imposante fait référence au lettré confucéen. Le beau-père est un homme instruit et surement un homme de pouvoir. Maintenant à la retraite, il se consacre à l’étude d’une position du jeu de go, appelé baduk en coréen. L’intérieur est chic et symbolise la relative opulence du couple retraité.

Vient l’heure du repas.

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Le beau-père n’a jamais cuisiné de sa vie. Sans femme, il est incapable de se faire à manger. Il décline donc l’invitation du gendre de se préparer à manger mais son estomac le trahit. Le gendre appartient à la nouvelle génération plus moderne qui participe aux tâches ménagères et aide leur épouse à élever les enfants. On note la calligraphie en caractère chinois accrochée au mur qui renforce l’aspect traditionnel de la maison.

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Le repas est prêt. Le plan de travail n’est pas rangé; il reste œufs, concombres et huile de sésame ayant servi à la préparation du plat. Le gendre a peu l’habitude de cuisiner mais grâce au Chief Collection Family Hub, le plat est une réussite. Le beau-père mange la bouche ouverte, le bruit de mastication est signe qu’il apprécie le plat. Les deux hommes ont enfin une activité commune; le beau-père parle au gendre. Le pari est gagné, le Chief Collection Family Hub remplit son contrat en créant du social dans la famille. Le spot se conclue par un message de l’épouse pour prévenir son mari qu’elles ont mangé à l’extérieur.

Le gendre symbole de la modernité convainc le beau-père de la voie à suivre. Si le beau-père est symbole de la tradition, il est surtout celui qui a les revenus suffisants pour s’offrir ce nouveau produit. C’est lui qui est ciblé.

Campagne publicitaire réussie. En juin, les ventes du réfrigérateur ont doublé.

La culture du pardon en Corée du Sud

Les excuses de Rakesh Kapoor, PDG d’Oxy Reckitt Benckiser, à la nation coréenne nous rappellent qu’on ne peut pas s’affranchir des codes culturels d’un pays pour y faire des affaires; un rappel salutaire surtout en situation de crise.

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Le PDG d’Oxy Reckitt Benckiser, Rakesh Kapoor, présente des excuses aux victimes d’un désinfectant toxique pour humidificateurs d’air (© Yonhap News)

Rakesh Kapoor, PDG d’Oxy Reckitt Benckiser, a profité de la visite en Grande-Bretagne de la commission parlementaire sud-coréenne enquêtant sur le scandale Oxy pour s’excuser. Ces  excuses accompagnées d’un salut font, dans la péninsule, office de repentir où l’on demande aux dirigeants de savoir prendre leurs responsabilités.

Oxy Reckitt Benckiser est empêtré dans un scandale sanitaire en Corée du Sud. En 2011 des décès suscepts dont quatre femmes enceintes sont signalés. Une enquête gouvernementale fait très vite le lien entre problème pulmonaire et les produits chimiques utilisés pour stériliser les humidificateurs. On dénombre deux cent vingt et une victimes dont cent soixante-dix-sept seraient dues à l’utilisation des produits Oxy Reckitt Benckiser. Rakesh Kapoor a exprimé des excuses sincères pour ces décès et leurs conséquences. Pour les parlementaires de la commission ces excuses officielles sont une étape importante pour la résolution de la crise et le dédommagement des victimes.

A l’inverse le PDG de Volkswagen Korea, Thomas Khuel, n’a pas su gérer le « Dieselgate ». S’il vient se présenter devant la commission parlementaire en octobre 2015 pour rendre des comptes, à aucun moment Thomas Kuehl ne présentera d’excuses sincères auprès de la nation coréenne. Le groupe aggravera son cas en continuant à falsifier des résultats de test jusqu’en décembre 2015. La sanction est tombée en août 2016 avec une amende record. Aujourd’hui la défiance des consommateurs est telle que l’avenir du groupe en Corée du Sud est en question.

Le strict respect de l’étiquette comme morale sociale
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Lee Jay-yong, vice president de Samsung Electronics. L’héritier du groupe Samsung s’excuse de la mauvaise gestion du MERS par le Samsung Medical Center (© Yonhap News)

La Corée Sud ou Nord est profondément marquée par la morale confucéenne. Les excuses et assumer ses actes est un des éléments essentiels de la société confucéenne. Dès la fin du XIVième siècle jusqu’au début du XXième siècle, le strict respect de l’étiquette a été la garantie de la morale sociale. Le niveau d’exigence dans le respect de l’étiquette était tel qu’avec le temps les excuses se sont institutionnalisées et ritualisées.

Cette culture de l’excuse est tellement forte qu’elle se joue parfois d’État à État. La Corée du Sud a longtemps bataillé pour que le Japon s’excuse du traitement accordé aux Coréennes pendant la Seconde guerre mondiale, transformées en esclaves sexuelles pour assouvir les besoins en prostitution de l’armée impériale. Afin de sceller l’accord entre les deux pays le Ministre japonais des Affaires étrangères lors de son voyage officiel à Séoul en décembre 2015 à exprimer « ses excuses et son repentir, du plus profond du coeur (…) et le gouvernement japonais est pleinement conscient de sa responsabilité ».

Par extension quand le gouvernement, des responsables politiques ou des chefs entreprises échouent dans leur mission, c’est à dire échouent à assurer le bien être de la population et la prospérité du pays, ils doivent s’excuser publiquement de leur échec et assumer leur responsabilité. Ces excuses publiques sont mises en scène; et même si elles sont d’apparence, elles doivent sembler le plus sincère possible.

Les valeurs confucéennes
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Cho Hyun-Ah fille ainée du PDG de Korean Air suite à son esclandre sur un vol New-York Séoul pour un sachet de cacahuète servi non ouvert.

Dans la société coréenne moderne, il est attendu des puissants qu’ils se plient à cet exercice. Une des valeurs portée par le confucianisme est la modestie. On attend donc de la part des élites, comme il était attendu des lettrés à l’époque de Joseon, de faire preuve de modestie. Le chef d’entreprise ou l’homme politique ravale son orgueil et comme n’importe quel quidam demande pardon pour les fautes commises.

Cette culture de l’excuse est profondément ancrée dans le profil culturel des Coréens. En cas de crise, les excuses sont un préalable à toute discussion. On s’excuse et ensuite, on regarde avec les autorités comment on peut résoudre la crise. A contrario pour les occidentaux où le contrat prime, dans le cas d’une crise, les parties se réfèrent automatiquement au contrat signé pour déterminé les niveaux de responsabilités.

Dans les années soixante-dix et début quatre-vingt quand beaucoup de Coréens ont émigré aux États-Unis pour travailler, la consigne était, en cas d’un accident ou d’une crise, de ne surtout pas s’excuser mais d’attendre le procès pour le faire. S’excuser comme préalable à la résolution de la crise s’avère fatal aux États-Unis où seule la relation contractuelle compte et où tous vos propos peuvent vous desservir lors d’un procès.

Adapter sa communication

Lors d’une crise sanitaire par exemple qui touche la population, le plus haut responsable de l’entreprise et souvent son staff avec lui devra au cours d’une conférence de presse se plier au jeu des excuses, demander pardon à la population pour le mal fait au pays et promettre de tout mettre en œuvre pour réparer ses fautes.

Vouloir s’y soustraire par orgueil est un jeu perdant ; Volkswagen qui a été qualifié d’arrogant, l’a appris à ses dépens. L’avenir nous dira si Oxy Reckitt Benckiser en s’y pliant a su faire preuve d’intelligence culturelle. Pour beaucoup ces excuses sont jugées beaucoup trop tardives. Le PDG, Rakesh Kapoor, avait initialement écarté la demande des familles en mai 2016 de se rendre en Corée du Sud pour présenter ses excuses.

politique
Le parti donné gagnant perd au final lors d’une élection locale dans un arrondissement de Séoul.

Ajumma : les sacrifiées de la réussite coréenne

Lors d’un premier voyage en Corée du Sud, ce qui surprend le plus souvent le voyageur étranger sont ces femmes d’un âge avancé, portant une permanente digne des années soixante, habillées de façon la plus ringarde possible, affublées d’une casquette avec une visière démesurée. Dans le métro séoulite, la première confrontation avec un voyageur étranger nouvellement arrivé laisse toujours des traces. Les blogs d’expatriés sont nombreux à relater leurs expériences malheureuses dans le métro de Séoul. Certains craignant même de prendre le métro de peur d’une rencontre non voulue avec un groupe de ces mégères locales.

Au final l’ajumma (아줌마) véhicule une image stéréotypée forte. Elle est l’essence même de la vulgarité, de l’ignorance, de la ringardise et le tout sans pudeur. Dépourvue de toute féminité, l’ajumma se fait remarquer en public en parlant fort. Lorsque les portes du métro s’ouvre à l’arrivée en station, elle se rue sur les sièges libres, jouant des coudes et bousculant parfois violemment les autres passagers pour y être la première.

@Insight Korea. Marché aux poissons de Busan.

L’ajumma originellement est une femme mariée avec des enfants mais qui n’est pas encore grand-mère. Par extension on y inclue les grand-mères qui ont tout du comportement de mégère. Simple appellation amicale, au fil du temps ce mot a pris une connotation péjorative forte surtout s’il qualifie quelqu’un qu’on ne connait pas. Ce vocable regroupe ainsi pas moins de 10 millions de personnes en Corée soit 1/5ième de la population. Si pendant très longtemps elles ont été raillées comme l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire, depuis quelques années il existe un mouvement de réhabilitation pour ses femmes qui ont tout sacrifié pour leur mari et leur famille. En effet au cours de la modernisation de la Corée, ces femmes ont mis de côté leur propre personnalité et leur indépendance pour revêtir le costume d’épouse, de mère et de belle-fille[1]La bru a une place très particulière dans la famille coréenne. Elle est une sorte de larbin sur laquelle se venge la belle-mère des mêmes sévices qu’elle a subi lorsqu’elle était … Continue reading, travaillant sans repos et sans récompense pour assurer le bien être du foyer. Les ajumma sont au final la résultante d’une société oppressive, sexiste et profondément traditionnaliste ; une vie sacrifiée pour devenir une femme ringarde et asexuée qui a renié sa propre identité pour assurer le bien être de son foyer. Poussée vers la sortie de leur entreprise à l’arrivée du premier enfant lorsqu’elle travaille, elle se consacre corps et âme à ses enfant et ne reprendra le travail que vers l’âge de cinquante ans lorsque les  enfants seront autonomes. Dernière embauchée, première virée, l’ajumma se contente de travail de nuit, saisonnier ou à temps partiel[2]Elle représente 50% des salariés coréens. A poste égal, elle doit se contenter d’un salaire 30% inférieur à celui d’un homme et sans les avantages d’une protection sociale … Continue reading. En permanence sous tension, elles sont une population à risque pour de nombreux cancers et souffrent très souvent d’hyper-tension et de désordres mentaux. Pour l’anthropologue KIM Young-hoon, elles sont le groupe humain le plus misérable sur terre.ajumma

Des féministes ont pris la défense de ces femmes et leur vouent un véritable culte. Laissées-pour-compte de la réussite coréenne, elles sont pourtant celles qui ont donné le plus pour assurer la réussite du pays. Les féministes en appellent ainsi à une reconnaissance et à une réhabilitation.

Notes

Notes
1 La bru a une place très particulière dans la famille coréenne. Elle est une sorte de larbin sur laquelle se venge la belle-mère des mêmes sévices qu’elle a subi lorsqu’elle était jeune épouse. Depuis quelques années, on voit cette situation s’inverser où les maris ont tendance à passer plus de temps chez leur belle-famille, libérant ainsi leur épouse des remontrances et reproches de leur belle-mère.
2 Elle représente 50% des salariés coréens. A poste égal, elle doit se contenter d’un salaire 30% inférieur à celui d’un homme et sans les avantages d’une protection sociale digne de ce nom.

Soft power sauce Corée du sud

Le Hallyu est souvent cité comme le meilleur exemple du soft power coréen. Si Séoul profite des retombées bénéfiques en voyant son influence culturelle et économique s’accroitre dans la zone Asie, les fonctionnaires coréens ne font que prendre le train en marche.

 

C’est à la fin des années psy90 que les dramas coréens et la k-pop commencent à fasciner le public asiatique. Des histoires simples mais intégrant des éléments de patrimoine commun – la famille pour les dramas -, des idoles à la tête d’ange pour la chanson conquièrent le public. Cette mode touche d’abord la Chine et Taïwan pour se diffuser rapidement aux autres pays tel que la Turquie, l’Iran, la Mongolie, l’Ouzbeskistan, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, les Philippines[1]Avec des pics à 57% d’audience les soirs de diffusion. GMA-7 et ABS-CNB, les deux réseaux philippins, se mènent une guerre sans merci pour décrocher les séries, les Philippines devenant … Continue reading, le Vietnam, l’Indonésie ou encore le Japon, le frère ennemi. Suivront l’Egypte, l’Amérique latine. Un véritable embrasement. A chaque pays sa série préférée ou son groupe de musique fétiche. Si les attentes sont différentes et spécifiques selon les pays, une culture asiatique commune émerge à travers le Hallyu. En 2005 cette déferlante coréenne est qualifiée de phénomène régional. Musique ou série le succès est avant tout un succès commercial; la musique est marketée à l’extrême, les séries écrites au fil de l’eau pour intégrer les demandes des téléspectateurs sont surtout très bon marché. Etre chanteur ou acteur dans cette machine à produire relève plus de l’esclavage que de la création artistique; les hommes travaillent d’arrache-pied, les femmes considérées comme de vulgaires objets sexuels au service de producteurs ou politiciens véreux.

Les commentateurs français se plaisent à imaginer une orchestration en sous main du gouvernement coréen de cette déferlante culturelle. Il n’en est rien, le succès de Psy en est le parfait exemple. Il est certain qu’on ne peut pas faire l’impasse sur l’effet du Hallyu qui transcende les frontières et impacte aussi bien le politique que le social. Robert L. Cage de l’Université de l’Illinois spécialiste du cinéma fait remarquer que la « Vague coréenne a joué un rôle clef pour restaurer la légitimité économique et culturelle de la Corée lors des négociations d’accord de libre-échange. Elle aide à amoindrir les tensions entre la Corée et le Japon tout particulièrement lors des moments de crise (comme les îles Dokdo) et à fédérer les communautés de fans en Asie et à travers le monde. Au delà du simple fait économique, la Vague coréenne a changé le climat culturel en Asie. » Des conséquences évidentes dont profite le gouvernement coréen mais dont il est nullement initiateur. C’est le business et chacun guette le revirement de tendance.

Quand deux cultures se rencontrent, elles s’échangent ce qu’elles ont de pire

Psy et ses avatars ne font pas honneur à la culture coréenne. Dans  Educating Young Nations, W.E.F Ward fait remarquer : « quand deux cultures se rencontrent, ce sont souvent les éléments les plus éphémères et les plus dépourvus de valeur qui se transmettent le plus facilement ». En d’autres mots elles s’échangent ce qu’elles ont de pire. Il continue : « Pour l’éducateur, c’est toujours une course de vitesse désespérée avec les autres influences, quand il veut communiquer à ses élèves certains éléments les plus noble de (sa) culture (…) [2]La citation originale : « Pour l’éducateur, c’est toujours une course de vitesse désespérée avec les autres influences, quand il veut communiquer à ses élèves certains éléments … Continue reading. »
Depuis une dizaine d’année, le gouvernement coréen soit pour des raisons économiques, soit dans une véritable logique de soft power a endossé ce rôle d’éducateur. Si le tourisme est une réussite et mérite à lui seul un article, il existe aussi trois domaines emblématiques dont l’action gouvernementale est plus discrète mais tout aussi efficace : le cinema, le manhwa et la littérature. Pour mettre en œuvre sa politique de développement culturelle, la Maison bleue s’appuie sur trois agences.

 

Pour le cinémkofica, l’agence gouvernementale s’appelle le KOFIC (Korean Film Council). Son but est de remettre en selle le cinéma national. Les années de 1955 à 1972 considérées comme l’âge d’or du cinéma coréen sont bien loin. Depuis des années Hollywood s’impose sur le marché national. Si le cinéma relève la tête dans les années 99 et 2000, le gouvernement décide de le soutenir et d’assurer sa diffusion à l’international. En 1999, il sort du placard une veille institution (Korea Motion Picture Promotion Corporation) qu’il dépoussière; le KOFIC débute son activité dès mai 99. Son système de fonctionnement s’inspire du CNC français[3]Centre national du cinéma et de l’image animée. Son objectif est de « promouvoir, aider les films coréens en finançant la recherche, l’enseignement et la formation professionnelle ». Pour 2012, le KOFIC a un fond de 420 millions de dollars. Le gouvernement le finance à hauteur 172 millions, 172 autres millions sont prélevés sur les recettes (3% du ticket d’entrée) et les 89 millions restant sont le reliquat de l’année précédente. Les actions du KOFIC sont multiples touchant tous les domaines, n’hésitant pas à investir directement dans l’industrie si besoin. Et cela fonctionne avec un box-office qui peut laisser rêveur tout producteur; The Thieves fait quasi 13 millions d’entrées en 2012 laissant loin derrière lui The Avengers, premier film étranger, avec son petit 7 millions d’entrées[4]13 millions d’entrées pour 50 millions d’habitants. En France en 2012, le film en tête du box-office est Skyfall avec 7 millions d’entrées, le premier film français fait 5,3 … Continue reading. Paradoxalement alors que la Corée est devenue une machine à fabriquer des blockbusters pour son marché intérieur, sa reconnaissance internationale tient à son cinéma d’auteur. Il s’exporte, est primé et reconnu mais n’est quasiment pas distribué dans le réseau de salles de la péninsule.

La diffusion dkoccau manhwa (les manga sauce Corée) bénéficie de l’aide du KOCCA (KOrea Creative Content Agency). Créé en 2001, l’agence a pour vocation de « promouvoir les productions culturelles coréennes dans le monde entier ». Elle est présente dans quatre grands domaines : « la subvention à la création, l’aide à l’exportation, la formation des professionnels, le développement des technologies liées aux productions culturelles ». Avec des bureaux à Londres, Tokyo, Los Angeles et Pékin, la volonté de promotion est clairement internationale. En ce qui concerne le manhwa, ses actions se traduisent par des présences sur des salons comme le Pavillon coréen du Festival d’Angoulême de 2003 avec la venue d’une vingtaine d’auteurs, deux années de présence à la Japan-Expo [5]Cette présence a été mal perçue par les japonophiles les plus virulents, la qualifiant de « plagiat culturel » et s’inquiétant du mal rampant qui dénaturait l’événement., des publications dont {Manhwa 100, les 100 titres incontournables pour les passionnés du manhwa} en français et en anglais. Le KOCCA intervient aussi dans les domaines du jeu vidéo, de la musique (financement de tournées à l’étranger ou participation à des festivals), du cinéma, de l’animation et la gestion des licences. Pour les jeux (video, online et mobile), l’agence joue une rôle d’intermédiaire, la Chine étant le plus gros acheteur suivi du Japon. Pour l’animation le soutien va jusqu’au financement d’anim à travers le Global Animation Project.
Avec un budget de 140 millions d’€uros, c’est 70 projets qui seront soutenus en 2013 dont le « Gyeongju Culture Expo 2013 » qui se tiendra à Istanbul en septembre prochain[6]Au programme du « Gyeongju Culture Expo 2013 » : une quarantaine de programmes culturels tels que des représentations par les troupes des deux pays, un festival international du film et un concert … Continue reading. Cette année voit aussi l’entrée dans le giron du KOCCA de la Mode made in Korea.

Le cas de la littérature corltikoreaéenne est le plus emblématique. La diffusion de la culture coréenne a trouvé un allié de poids auprès de cette agence : le LTI Korea (Literarure Translation Insitut of Korea). Créée en 2001 à partir du Korean Literature Translation Fund, sa fonction la plus visible est le financement des traductions d’œuvres de la littérature coréenne. Avant cette date les traductions sont financées soit sur des fonds privés comme la Fondation Daesan de la compagnie d’assurance Kyobo ou des fonds publics comme la Fondation coréenne pour la culture et les arts[7]Créée en 1973, son but est « établir un point de vue correct sur l’histoire nationale » source : Cahier du GEMDEV, Les mesures de la mondialisation). devenue depuis le Conseil des arts de Corée, soit en dernier recours par les éditeurs avec parfois un piètre résultat.
En un peu plus de dix ans le LTI Korea s’est montré d’une efficacité redoutable :

  • 800 traductions financées sous forme de bourse dans une des trente et une langues gérées par l’agence; 311 textes pour le français, 700 en chinois. Ce sont les traducteurs ou éditeurs qui proposent les œuvres à traduire,
  • Une communication auprès des éditeurs étrangers par l’intermédiaire d’une lettre trimestrielle,
  • Des bourses pour financer des projets éditoriaux,
  • Le financement des déplacements des auteurs lors de rencontres ou salons[8]Cheon Un-yeong et Kum Un-su ont pu ainsi participer à la 30ième Foire du livre de Saint-Louis qui s’est tenue le mois dernier.,
  • Un concours de notes de lecture organisés chaque année dans 16 pays,
  • Une académie pour former les traducteurs, 5 langues sont concernées : allemand, anglais, espagnol, français et russe.

Et c’est bien cette aide du gouvernement qui a fait émerger à travers le monde une littérature coréenne de qualité. Prochaine étape selon Kim Seong-kon, le président de l’agence nommé l’an passé, s’adresser directement aux critiques et aux universitaires : « Nous ne pouvons pas nous contenter de juste traduire et publier à l’étranger, les recensions des critiques et des universitaires étrangers sont extrêmement importantes ». Cela passe d’abord par la créations de listes de contact, de la romanisation des noms d’auteurs et ensuite des actions de communication. Dans ce but l’agence a vu une augmentation de son budget qui est passé à 4,5 millions d’euros pour 2012.

Serge Safran (d’abord chez Zulma et ensuite avec sa propre maison d’édition), les éditions Philippe Picquier et depuis récemment Gingko éditeur, en s’inscrivant dans la logique de publication du LTI Korea, sont, d’une certaine façon, le véritable bras armé en France du soft power coréen, qui pour le coup, s’orchestre depuis Séoul.

Notes

Notes
1 Avec des pics à 57% d’audience les soirs de diffusion. GMA-7 et ABS-CNB, les deux réseaux philippins, se mènent une guerre sans merci pour décrocher les séries, les Philippines devenant ainsi le quatrième acheteur de séries coréennes derrière le Japon, la Chine et Taïwan. Les « Koreanovela » vont jusqu’à éclipser la production locale. Ces séries sont une aubaine pour les chaînes qui voient leur cout divisé par 4 par rapport à une production locale mais les créneaux pubs sont vendus au même prix.
2 La citation originale : « Pour l’éducateur, c’est toujours une course de vitesse désespérée avec les autres influences, quand il veut communiquer à ses élèves certains éléments les plus noble de la culture européenne ou mondiale. »
3 Centre national du cinéma et de l’image animée
4 13 millions d’entrées pour 50 millions d’habitants. En France en 2012, le film en tête du box-office est Skyfall avec 7 millions d’entrées, le premier film français fait 5,3 millions d’entrées, Sur la piste du Marsupilami.
5 Cette présence a été mal perçue par les japonophiles les plus virulents, la qualifiant de « plagiat culturel » et s’inquiétant du mal rampant qui dénaturait l’événement.
6 Au programme du « Gyeongju Culture Expo 2013 » : une quarantaine de programmes culturels tels que des représentations par les troupes des deux pays, un festival international du film et un concert de K-pop.
7 Créée en 1973, son but est « établir un point de vue correct sur l’histoire nationale » source : Cahier du GEMDEV, Les mesures de la mondialisation).
8 Cheon Un-yeong et Kum Un-su ont pu ainsi participer à la 30ième Foire du livre de Saint-Louis qui s’est tenue le mois dernier.

Séoul, les bons tuyaux

Sans infrastructure véritable aidant et encadrant la recherche d’emploi, le Coréen exploite au maximum son réseau afin de décrocher un emploi.

Le tissu social sud-coréen repose sur de subtils et denses réseaux sociaux : Communautés de quartier, groupes de prières, anciens élèves d’un établissement, anciens collègues, clubs sportifs, famille, l’individu ne prend sens qu’à travers ces groupes sociaux qui, s’ils se superposent, ne sont jamais interdépendants.

60% des chercheurs d’emploi retrouvent un travail grâce à leurs réseaux

Un rapport publié en novembre 2011 par le Korea Development Institut, un organisme parapublic qui a pour vocation de faire des analyses sur les impacts des politiques gouvernementales à court et moyen termes, s’intéresse plus particulièrement au mode de recrutement sur le marché du travail coréen. Intitulé « Impact des réseaux sur la recherche d’emploi », le rapport souligne la part importante du réseau sur le recrutement au détriment des autres canaux. En effet, sur un panel de 6 165 personnes, suivi de 2003 à 2007 pour étudier leurs techniques de recherche d’emploi, il apparait que plus de 60% des chercheurs d’emploi ont été recrutés par le biais d’un réseau. Dans 36,4% des cas, ce réseau est constitué par les amis et la famille. Pour 7,9%, ça a été le fait d’anciennes connaissances professionnelles et pour 7,8% par des salariés déjà en place dans la société que le chercheur d’emploi prospectait.

Le réseau est plus usité pour des salariés avec une expérience professionnelle que par des jeunes diplômés. De même les employés à temps-partiel ont plus fait appel à leur réseau pour trouver un emploi que les salariés à temps-plein. On apprend aussi que les hommes le sollicitent plus que les femmes.

Le phénomène est d’ampleur puisqu’en moyenne seulement 25% des offres de recrutements publiées sont pourvues par un recrutement classique. Les ¾ des recrutements sont réalisés via un réseau. 70% des salariés des PME de moins de 30 salariés ont été recrutés de cette façon. Pour les groupes de plus de 500 salariés, c’est là aussi la moitié des postes qui sont pourvus en faisant appel au réseau, et moins d’un tiers par la publication d’offre d’emploi.

Le fait est remarquable : Il y a encore une dizaine d’années, les études sociologiques  laissaient penser que ces structures sociales traditionnelles, basées sur la confiance, voleraient en éclat car abruptement confrontées à une société matérialiste qui s’aventurait tête baissée dans la libre entreprise. C’était sans compter ces « éléments de flou dans la culture traditionnelle coréenne » que l’on qualifie facilement d’irrationnels, mais qui pourtant constituent des facteurs importants, facilitant l’adaptation à un monde en constante évolution. La libre entreprise d’accord, mais sans remettre à mal son modèle social basé sur la confiance et l’altruisme.