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La vérité circonstanciée en Corée

Conférence du 12 juillet 2017 sur Facebook : « La vérité circonstanciée en Corée du Sud »

Des racines historiques et morales

Quand on est amené à travailler avec des équipes coréennes ou des entreprises coréennes, il y a souvent une notion qui est difficile à aborder pour nos esprits pétris de philosophie grecque. C’est la notion de vérité consensuelle ou circonstanciée. En Corée, parfois, comme solution pour résoudre des crises, on est amené à inventer une vérité qui sera acceptée par tous afin de permettre que chacun sauve la face et de conserver l’harmonie au sein du groupe. Ce n’est pas une vérité absolue. Ce n’est pas basé sur des faits. On travestit les faits pour reconstruire une vérité qui conviendra à tous. Cette façon de faire à une origine historique liée à l’esclavage mais aussi au confucianisme.

Dès le début de son histoire, la Corée a pratiqué l’esclavage. Si la tendance pour une nouvelle dynastie lorsqu’elle prend le pouvoir est d’affranchir les esclaves, inversement lorsqu’elle est sur le déclin, le nombre d’esclaves ne cesse d’augmenter. A certaine époque c’est un tiers de la population qui est maintenu en esclavage. Esclavage qui se rapproche plus du servage que de l’esclavage pratiqué par les Européens dans le nouveau monde. Les esclaves marrons étaient quand même chassés et le propriétaire avait droit de vie ou de mort son bien.

A partir du XIVième siècle, la nouvelle dynastie, Joseon, qui régnera jusqu’au début du 20ième siècle instaure le neo-confucianisme comme moral social afin de légitimer son accession au pouvoir. Avec le corpus confucéen la notion de face en est renforcée à l’extrême. De sous-entendus en non dits, on tait les vérités qui ne sont pas bonnes à dire pour préserver l’harmonie sociale, ne pas offenser son interlocuteur plus âgé, voir son maître. Car néo-confucianisme ne veut pas dire abandon de l’esclavage. Si au début la jeune dynastie affranchit de nombreux esclaves, ces pratiques perdurent. On estime à 350 000 le nombre d’esclaves à la fin du XVième siècle. La loi tente de limiter le nombre d’esclaves, pas plus de 150 pour un officiel, 40 pour une personne lambda. On note pourtant à la fin du XVième, 13 000 litiges sur ces plafonds qui seront par la suite abandonnés. A l’abolition de l’esclavage au cours du XIXième siècle dans les structures administratif, ils étaient 66 000 à servir l’Etat.

La vérité circonstanciée

Dans ces conditions, il est inimaginable d’annoncer une mauvaise nouvelle à son maître. Il y a donc tout une stratégie qui se met en place pour inventer des vérités qui vont permettre de sortir de crise sans offenser ses interlocuteurs. Il y a un exemple saisissant à travers une anecdote gastronomique permettant de comprendre les pratiques sociales de cette époque.

Il est fréquent de trouver sur les tables coréennes de la raie crue fermentée. Par fermentée, il faut comprendre pourrie. Lorsque vous prenez une bouchée, la forte présence d’ammoniac affole votre cerveau qui déclenche l’alerte générale. Et un « danger danger » clignote dans votre cerveau avec pour corollaire une envie de recracher irrépressible qui vous prend. Anthony Bourdin, chef cuisinier et animateur télé, considère que c’est un des pires plats qui ne lui a jamais été donné de manger.

La question est de savoir comment on en est venu à proposer ce plat à table. A l’origine la raie crue était considérée comme un plat fin. Mâle ou femelle, la période de pêche impactait sur la qualité de la chair. C’était un plat réservé aux grandes occasions. Un jour au cours d’un mariage, on avait prévu de servir aux nombreux invités de la raie. La commande fût bien passée auprès des pêcheurs. Mais le bateau bloqué en mer par une mer houleuse, la livraison eut plusieurs jours de retard. Le procédé de conservation sommaire, les raies étaient couvertes de paille et stockées dans une jarre de terre cuite, ne garantit pas  la fraicheur de la pêche. C’est donc de la raie pourrie qui fut livrée. Panique générale dans les cuisines. Afin de ne pas froisser le maître de la maison, il a été décidé de l’apprêter comme si elle était fraiche. Servie ainsi aux convives, personne n’osa faire remarquer que le raie était immangeable afin de ne pas se montrer impoli auprès de l’hôte. Comme les convives se sont régalés de ce plat, la raie fermentée a gagné sa place dans la gastronomie coréenne ; ce plat a même aujourd’hui son festival pour en faire la promotion.

Cette histoire est exemplaire. L’incident se transforme en quelque chose de normal. On entre dans le non dit pour éviter de mettre mal à l’aise tout le monde en créant un scandale. Tout le monde l’accepte même si c’est immangeable. Au final l’attitude des cuisiniers, des convives et l’acceptation par le maître de maison en fait une vérité définitive.

Impact de ces pratiques dans l’entreprise

Cette anecdote qui prête à sourire, illustre surtout un élément fondamental de la culture coréenne et a un impact direct sur la vie dans l’entreprise. En effet, dans les entreprises coréennes, on ne fait pas que taire les vérités qui ne sont pas bonnes à dire, on les réinvente. Vérité circonstanciée ou vérité consensuelle, face à une crise qui pourrait impacter l’harmonie entre les équipes on va inventer une vérité de circonstance qui va satisfaire tout le monde. Où avec nos lunettes d’Occidentaux nous y voyons qu’une vérité travestie, au contraire les Coréens trouvent ce processus normal. Dans la pensée chinoise et confucéenne, la vérité est relative et non absolue. Elle est attachée à des éléments contextuels et intrinsèquement à l’humain. Plus une vérité est éloignée de l’homme moins elle est juste.

Eric Surdej nous livre un témoignage précieux sur ce sujet. Fort de son expérience de Directeur Général de LG France, il cite deux exemples dans son ouvrage « Ils sont fous ces Coréens ».

Pour le premier alors qu’il vient de prendre ses fonctions, un haut responsable de LG décide de faire une visite surprise de points de vente pour voir si la filiale française se débrouille bien. Panique au QG France, l’activité de LG est naissante bien loin des résultats attendus. Comme solution Surdej propose d’installer des faux corners dans différents magasins. L’idée est validée par le staff coréen à Paris. Surdej appelle ainsi ses différents contacts en magasin, les vendeurs acceptent que LG gonfle sa présence en boutique mais cela ne doit rien leur couter. Des semis remorques sont loués, des magasiniers embauchés pour la manutention. Les produits des concurrents sont retirés des rayons et des produits LG y sont mis à la place. Du fait de son coût cette opération est une hérésie d’un point de vue financier mais l’argent importe peu. L’enjeu est de trouver une solution qui satisfasse tout le monde. Quand le haut responsable coréen  quitte la France à l’issue de sa visite il est satisfait du travail des équipes basées en France. Eric Surdej fait remarquer  que le patron coréen était suffisamment intelligent pour remarquer que la forte présence des produits LG en rayon était plus que douteuse. Il était donc surement bien conscient de l’artifice. Surdej en propose l’interprétation suivant : le but de ce voyage était de mettre la pression sur les équipes en France pour voir comment elles arrivaient à gérer la crise. Afin de sortir de l’impasse, le staff parisien trouva une solution en construisant une fausse vérité, une vérité circonstanciée. Vérité construite par tous et accepter par la hiérarchie car elle convient à tous et prouve les capacités de mobilisation des équipes.

Le second exemple concerne un repas protocolaire entre quelques cadres basés à Paris et le PDG de LG lors d’une visite en France. Ce repas sera très certainement bien arrosé et il est donc demandé à tous les convives, comme c’est fréquent dans ce type de situation, de ne pas prendre de photos. Le PDG de LG ne souhaite pas que des photos de lui éméché deviennent publiques. Au cours de la soirée, un cadre français ne respecte pas la consigne et ne peut s’empêcher avec son téléphone de voler un cliché. Il est vu mais rien ne transparait au cours de la soirée. Le lendemain, la nouvelle tombe. Séoul demande le licenciement du cadre. Surdej s’y refuse menaçant de démissionner. La situation est bloquée. Le directeur coréen en France propose comme solution de garder en poste le cadre français indélicat et de faire parvenir au siège un nouvel organigramme où le cadre n’apparait plus. Là encore pour ce deuxième exemple, l’ensemble du staff coréen présent en France participe ou en tout cas ne dévoile pas cette vérité travestie.

Ces deux exemples ne sont pas des anecdotes isolées mais prouvent que c’est un processus normal de fonctionnement dans les organisations coréennes. Les salariés coréens sont constamment sous pression et souvent sont confrontés à des crises qu’il faut résoudre très rapidement. Quand il n’existe pas de solution, que c’est l’impasse, construire une vérité de circonstance qui saura contenter tout le monde est donc une éventualité qui n’est jamais écartée.

Stratégie de prévention

Un occidental, donneur d’ordre peut être confronté à ce type de vérité. La solution n’est pas dans la recherche à tout prix de la véracité de ce qui vous est présenté ou reporté. Cela serait une erreur puisque en Corée la vérité n’est qu’une notion relative. L’idée qu’il existe une vérité unique et absolue est un non sens. Il faut donc plutôt élaborer une stratégie de prévention. Un des meilleurs moyens est de mettre en place des indicateurs qui vous permettront lors de points d’étape de juger de façon factuelle l’avancée d’un projet avant d’être confronté à une crise pour des problèmes de qualité ou de délais

Samsung et LG révolutionnent leur approche du management

Les deux chaebols emblématiques de la réussite coréenne, face à la crise qu’ils traversent, remettent en question leurs modèles managériaux.

L’économie coréenne est dépendante de ces chaebols, mastodonte capitalistique d’origine familiale. En 2013 le chiffre d’affaires des cinq premiers chaebols représente 9,71% du PIB national. Samsung et ses 19 filiales avec un chiffre d’affaires de plus de 68 milliards de wons représente à lui seul 4,73% du PIB, LG avec 14 filiales 1,34%. Pourtant les deux groupes de renommer mondial n’échappent pas à la crise économique larvée qui malmène la Corée. Samsung avec un résultat en recul de 19% en 2015 est un des premiers touchés. De plus alors que le dirigeant, Lee Kun-hee est maintenu en coma artificiel depuis maintenant bientôt deux ans[1]Il est maintenu dans un coma artificiel depuis le 11 mai 2014., le fils héritier, Lee Jae-yong, est empêtré dans des manœuvrés pour restructurer le groupe afin d’en assurer le contrôle.

Face à ces nouveaux défis, Samsung et LG ont annoncé à une semaine d’intervalle leur volonté de réformer leur structure et leur modèle de management afin de mettre en place des organisations en place plus agiles et donc plus réactives pour répondre à un environnement changeant et fortement concurentiel.

Kim Hyun-seok de la division TV
Kim Hyun-seok de la division TV (© Samsung Electronics)

Samsung après avoir remanié son management en 2015, a décidé de dégraisser sa pyramide hiérarchique et d’en limiter les niveaux. Samsung Electronics est le fer de lance de cette nouvelle approche. Dans le but de favoriser une culture de l’innovation et un esprit « star-up », il n’existe plus que 5 niveaux hiérarchiques sous le PDG :

  • sawon (les jeunes diplômés),
  • daeri (assistant manager. 4 ans d’expériences),
  • gwajang (manager. 5 à 7 ans d’expériences),
  • chajang (adjoint du directeur d’une business unit),
  • et bujang (directeur d’une business unit. 10 ans ou plus d’expériences).

L’annonce a été faite par le management le mois dernier devant un parterre de 600 employés dans le centre de recherche R4 à Suwon. Le but est de mettre fin à une logique « top-down » et de favoriser une culture de l’efficience en accompagnant les salariés pour y arriver. Il en découle une politique RH basée plus sur les missions que sur les titres, un abandon des rapports obligatoires et parfois fantaisistes, l’arrêt des réunions inutiles et la mise en place d’une boite à idée à l’échelle du groupe via le portail MOSAIC. Afin de montrer l’implication des directeurs de division dans ce tournant managérial, les managers se sont pliés au jeu de l’empreinte. Il en est de même pour Lee Jae-yong, l’héritier du groupe et vice chairman de Samsung Eletronics, qui fait la promotion d’un style de management plus décontracté. Le premier geste fort à destination des employés est la revente de la flotte de jets privés, le management est maintenant prié de voyager sur les lignes commerciales.

Kwon Young-soo
Kwon Young-soo, PDG de LG U+ (© LG U+)

De son côté LG U+ (anciennement LG Telecom) s’est lancé fin mars 2016 dans une opération de communication auprès de ses 700 directeurs de point de vente. Lors d’un grand rassemblement dans la banlieue de Séoul, le premier depuis 2010, Kwon Young-soo a présenté à ses 700 directeurs et au management une nouvelle approche managériale afin de mettre fin à une structure corporate trop rigide et favoriser la communication dans le groupe. Appelée « low-key approach », cette nouvelle approche doit favoriser une culture basée sur deux modes de communication dont la capacité d’écoute qui doit prendre le pas sur celle de lire : savoir écouter plutôt que discourir. Cette rencontre qui mélangeait à la fois benchmark interne et encouragement avait entre pour but de mobiliser les troupes autour de cette nouvelle approche.

Afin de remercier ses équipes pour les efforts fournis alors que le marché est de plus en plus concurrentiel, le PDG Kwon Young-soo s’est plié à une séance de relassage de chaussures. Cette séance qui pourrait prêter à sourire n’est pas anodine car Kwon Young-soo est un pur produit LG. Il a remplacé l’ancien PDG de LG U+, Lee Sang-chul qui est destiné à prendre la tête du groupe. Kwon Young-soo a déjà réussi à hisser au top de leur secteur deux filiales : LG Display et LG Chem. Aujourd’hui le défit à relever est d’attaquer frontalement, en diversifiant l’offre, les deux leaders du secteur, KT et SK Telecom.

Notes

Notes
1 Il est maintenu dans un coma artificiel depuis le 11 mai 2014.

Pas si fous ces Coréens

Certains les considèrent comme « fous ». Travailleurs acharnés, buveurs sans limite, ils sont souvent qualifiés de workaholic. La rencontre du pays où on travaille le plus avec celui des 35h ne pouvait que produire des étincelles. Témoignage.

Ocsurdejtobre 2003. Eric Surdej se sent comme un pionnier lorsqu’il intègre les équipes de LG en France. La marque quasiment sans visibilité sur le marché français est ambitieuse pour son développement futur. Ancien directeur de Toshiba où il a passé dix ans, il sent le vent tourner au début des années deux milles et décide de parier sur la réussite des chaebols sur les marchés internationaux, ces grands conglomérats typiquement coréens. Dès le premier jour le choc culturel est intense. La culture latine portée par le nouveau DG français s’oppose à une culture militaire irritée de la guerre et du confucianisme côté coréen. Car lorsque LG s’implante en France, l’entreprise n’a nullement l’intention de s’adapter aux spécificités locales, bien au contraire c’est le modèle de travail coréen dans son ensemble qui est exporté. Et les grands groupes demandent beaucoup à leurs employés : des journées de travail incroyablement longues, des vacances réduites à leur minimum, une disponibilité immédiate quelles ques soient les circonstances et une soumission sans faille à la hiérarchie. Corvéable à merci, le salarié n’a pour seule philosophie que le dépassement de soi quitte à en mettre parfois sa santé en danger. Vite qualifié de « discutailleur contestataire », le salarié français dénote dans ce qui pourrait sembler comme un enfer sur terre.

Eric Surdej intègre l’entreprise dans une période propice. Tout d’abord LG ouvre pour la première fois ses postes de direction à des managers étrangers dont Surdej fera partie. Ensuite en France tout reste à construire ; le groupe vient de s’implanter, Goldstar devient LG, le marché est à conquérir. Pendant 8 ans alors qu’il gravit les échelons pour finir vice-président du groupe, Surdej vit à l’intérieur de cette machine de guerre redoutable qui se lance à la conquête du monde. Endoctrinement sectaire et entraînement militaire sont même au rendez-vous au cours de son parcours et de ses nombreux voyages en Corée. Mais la crise de 2008 marque profondément le conglomérat. La croissance n’est plus là et la direction décide de changer de politique en se recentrant sur sa spécificité coréenne. Première mesure, le Coréen devient la langue officielle du groupe au détriment de l’anglais. Par la suite, petit à petit, les directeurs généraux non coréens sont débarqués sans ménagement. Si Eric Surdej manque d’empathie vis-à-vis de ses collègues, s’intéresse peu à la culture coréenne, il laisse pourtant un témoignage unique en son genre sur les pratiques managériales des chaebols. Témoignage qui fait même écho en Corée avant même que la traduction du livre ne soit encore disponible[1]Une interview sur une des plus grandes chaines de télé SBS assure la notoriété de l’ouvrage : « 그들은 미쳤다, 한국인들 » et seules de très rares librairies le propose.

Pourtant le parti pris de l’auteur est biaisé. Au fil de la lecture de son ouvrage, plusieurs points sont ainsi source de questionnement.

Le livre traduit en coréen sera disponible en librairie à partir du 24 juillet.
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Le livre traduit en coréen est disponible en librairie depuis le 24 juillet.

Tout d’abord Eric Surdej généralise son expérience au sein de l’entreprise LG à l’ensemble des entreprises coréennes. Pourtant « ces Coréens » qu’il décrit sont loin d’être représentatifs d’une société coréenne en transformation où le sacrifice de soi aux bénéfices de la famille, de l’entreprise ou encore du pays cède petit à petit la place à l’accomplissement personnel. Ils sont beaucoup à porter un jugement sévère sur les entreprises telles que LG qui asservissent leurs salariés et maximisent l’exploitation de leurs sous-traitants. Au final les Coréens sont nombreux à fuir ces chaebols calqués sur des organisations militaires, préférant revêtir le costume d’entrepreneur à la tête d’une start-up dont le nombre explose depuis quelques années, voire même pour d’autres revenir à la terre et s’installer à la campagne.

Ensuite le manque d’empathie d’Eric Surdej – que l’on pourrait presque qualifier de désintérêt total – pour la culture coréenne est surprenant. Il l’avoue lui même : « Je connais finalement peu la Corée après avoir passé huit ans dans une de ses plus grosses firmes et m’être rendu pas moins de soixante-cinq fois aux pays du Matin Calme. » Un peu plus loin on peut lire : « (…) la Corée est habituée aux longs déplacements qui ne lui posent pas plus de problèmes à accomplir qu’à faire subir à ses visiteurs. » Cette dernière remarque est symptomatique d’un manque d’acculturation de notre dirigeant français. En effet, entre France et Corée, les perceptions du rapport temps/espace sont différentes. En Corée lorsque vous rendez visite à quelqu’un, le plus important n’est pas le temps que vous restez et consacrez à votre hôte, mais la distance parcourue donc le temps consacré au déplacement pour venir voir votre hôte. Que vous ne restiez que cinq minutes a en soi peu d’importance, l’important est le déplacement. Sur un autre registre, après huit ans à travailler avec des Coréens et de si nombreux voyages dans la péninsule, il est surprenant que l’auteur n’ait pas appris le coréen. Ce manque de motivation est à mettre en opposition avec Etienne Rolland-Piègue qui, lorsqu’il est nommé premier conseiller à l’Ambassade de France à Séoul en 2013, annonce qu’il a pour objectif d’atteindre, avant la fin de son service, le niveau 6 du TOPPIK [2]Test de langue coréenne (Test of Proficiency in Korean)., le niveau le plus élevé. Au final du point de vue des relations humaines, le livre se conclue sur un constat d’échec, « Je me suis fait aucun véritable ami chez LG. »

Cette charge contre la culture d’entreprise des chaebols s’apparente plus au divorce qu’à une description objective. Lors du procès, de façon étonnante, le mari éconduit appelle à la barre les Japonais à travers le management de Toshiba, management qui qualifie les Coréens de « personnes à l’esprit si étroitement militaire, des brutes, des paysans sans finesse, des obsédés du contrôle, et de surcroît méprisants envers la civilisation japonaise ». Ainsi l’auteur n’hésite pas à plusieurs reprises à comparer Japonais et Coréens. Par petites touches acides, il laisse transpirer l’image d’un Japonais idéalisé face à un Coréen « brut de décoffrage ».

De ce constat amer, il faut attendre la fin de l’ouvrage pour que l’auteur en tire matière à enseignement : « On ne passe jamais en force à travers un groupe humain ; il faut accepter son ADN pour endormir toute suspicion. La stratégie du cheval de Troie est seule capable de vaincre tous les obstacles. C’est elle qui vous installe au cœur du groupe, seul lieu d’où vous pouvez faire bouger les hommes. » Malheureusement c’est là commettre encore une grave erreur en voulant instrumentaliser la relation à l’autre alors que les deux qualités fondamentales recherchées par une entreprise coréenne chez un collaborateur sont la loyauté et la sincérité. Non pas une sincérité de parole mais une sincérité dans l’agir en sachant se montrer désintéressé, honnête et loyal ; ce qui se traduit en milieu professionnel par travailler dur et être prêt à tous les sacrifices pour réussir dans son travail.

L’auteur est devenu depuis « Consultant en développement de stades » [3]Les stades, les nouveaux espace de loisirs, BFMTV le 18 mai 2015.

Notes

Notes
1 Une interview sur une des plus grandes chaines de télé SBS assure la notoriété de l’ouvrage : « 그들은 미쳤다, 한국인들 »
2 Test de langue coréenne (Test of Proficiency in Korean).
3 Les stades, les nouveaux espace de loisirs, BFMTV le 18 mai 2015